Le grand duché, comme on l'appelle, mais un petit pays épatant et sensationnel que nous allons découvrir, Barbara et moi, en ce week-end frisquet de la Pentecôte. Quiconque pense au Luxembourg peut imaginer voir tout au plus quelques banques, quelques assurances et une station de radio et de télévision (RTL) mais sera étonné de la richesse de ses sites historiques et des metamorphoses d'un paysage magnifique. Mais les cols (eh oui) du Luxembourg sont aussi pour quelque chose : ils sont officiels et on été recensés au nombre de 90 ! et cela m'a tout de suite tapé à l'œil. Nous ne pourrons pas tous les faire car certains ne sont pas repérables sur la carte.
Le départ pour le séjour est fixé à la gare de l'Est. Barbara m'attend depuis un certain moment car pour mon cas, j'y débarque directement en provenance de mon lieu de travail. Nous installons nos housses à vélo discrètement dans le recoin du wagon et le train démarre à 17h19 pour un trajet sans soucis de 3h30. En débarquant à la gare de Luxembourg nous sentons sensiblement la différence négative de la température et rejoignons à 200 mètres de la gare notre hôtel (Zurich) qui porte mal son nom.
La première étape : Luxembourg - Scheidgen = 108 km, comporte 15 cols mais en réalité se sont de bonnes côtelettes bien appétissantes (je parle pour moi). Le départ est matinal, un peu frais, mais sous un ciel bleu qui annonce une agréable journée. Nous sommes en plein cœur de la ville mais dans une vingtaine de minutes, après 6 km, nous serons dans la campagne au «cœur du bon pays» dénommé ainsi ici. Tout de suite le contrast est saisissant : le paysage est d'un vert impressionnant, de nombreux vergers jalonnent les champs et nous traversons en permanence d'opulents petits villages dans un cadre de verdure, qui ont su garder leur caractère. Nous sautons de vallées en vallées, les cols dont l'altitude avoisine les 300 mtres ne sont pas difficiles car l'élévation est faible, la chaussée est normalement revêtue, parfois étroite, ce qui rend un certain charme, et le trafic routier est quasiment nul : toutes les conditions sont donc pour nous. A présent, nous pénétrons dans la Moselle luxembourgeoise, le royaume des vignobles. Nous suivons les centres viticoles réputés aux caves à vins renommés ainsi que de pittoresques villages aux vieilles demeures restaurées. Après avoir quitté Womeldange, la capitale du Riesling, nous pénétrons encore plus profondément à travers le Luxembourg intime où nous ne sommes nullement dérangés : ce qui convient bien à Barbara. L'air est pur, ce n'est pas le Mont Blanc mais on y est mieux qu'à Paris. Quant aux cols, on les franchit allègrement (n'est pas Barbara !), les descentes, un peu moins, mais le principal est de prendre son pied. Nous concluons cette première étape à Scheidgen, petit village dans un site agréablement entouré de vastes forêts.
Les provisions météorlogiques sont assez pessimistes : la pluie a fait son apparition au lever du jour et nous decidons de raccourcir notre étape. Nous attendons sagement que la pluie cesse. Nous démarrons sur une chaussée légèrement humide et les premiers cols, assez regroupés, vont nous permettre de nous réchauffer, ou plutôt de me réchauffer ! Faute de soleil, la vue est un peu sombre, dommage car nous sommes dans le Mullerthal (la petite Suisse luxembourgeoise) formé essentiellement d'énormes rochers de grès aux forms étranges, égayés de cours d'eau capricieux et couronnés de forêts magnifiques. Maintenant que la chaussée est sèche, le moral est en hausse mais méfions-nous tout de même, surtout en effectuant un assez grand plongeon sur une des importantes vallées du pays avec évidemment, mais pour un court instant, du trafic en direction de la Belgique, toute proche. Nous laissons tous ces autos-touristes pour suivre un petit axe qui, il le faut bien, s'élève à nouveau pendant 7 km sur un des plus beaux plateaux agricoles ardennais où le vent doit souvent souffler, vu les nombreuses éoliennes. Au passage nous raflons toujours les cols et à la longue cela devient de la routine. Le temps, jusqu'à présent, nous était favorable mais brusquement le ciel se déchaîne. Nous n'avons malheuresement pas d'abris sous la main et nous allons supporter de désagréables bourrasques de pluie pendant une dizane de minutes. Barbara doit être en train de maudire ce mauvais moment à passer. A présent, nous descendons, ce qui va vite fait de nous refroidir mais pour ensuite mieux remonter une des ultimes difficutés du jour et certainement la plus coriace. Au sommet, nous pouvons admirer à loisir le grandiose cadre des montagnes et forêts ardennaises. La chaussée est de nouveau sèche avant de toucher au but par une longue déscente sur Wiltz, au cœur des Ardennes, qui se découvrent parmi les paysages de collines boisées et de vallées calmes. Nous nous empressons de rejoindre notre hôtel car Barbara se frigorifie à petit feu : il est vrai que le thermomètre affiche 11 !
Nous n'avons vraiment pas de chance pour ce qui devait être la grande étape des Ardennes et ses 18 cols ! Le mauvais sort s'acharne sur nous car la météo est encore capricieuse, mais après une nuit pluvieuse, nous tentons le coup : il faut bien essayer. Parlons-en des Ardennes, un paysage accidenté qui ressemble à une véritable mer de verdure ainsi qu'à un immense tapis ondulé. Les champs de genêts, les labours, les pâturages et les forêts composent des teintes changeantes et renouvelables selon l'humeur des saisons. Nous démarrons au sec, mais pour combien de temps encore, et prenons de suite de la hauteur : de longues et belles côtes à travers le monumental massif forestier ardennais. Après 10 km de notre chevauchée, aux abords du sympathique village champêtre de Wilwerwiltz, les premières gouttelettes font leur apparition. Nous nous empressons de trouver un abri au sec : le porche d'une église fera l'affaire. La pluie étant trop persistante, nous décidons, avec regrets, d'annuler l'étape : ce qui nous occasionnera certainement un second voyage en fin d'année. Ce n'est point pour nous déplaire car nous pourrons aussi y apprécier l'automne. Après une accalmie, nous rentrons à l'hôtel et tuons le reste du temps entre deux averses, en visitant Wiltz, lieu d'importants combats pendant la bataille des Ardennes en 1944.
Le train pour Paris étant à 13h00, nous sommes obligés de démarrer l'étape de très bonne heure (5h30) dans la pénombre et un froid vif, en espérant trouver le plus vite possible un café ouvert. Le principal est qu'il ne pleuve pas et malgré l'élévation du terrain nous ne pouvons nous réchauffer : le froid est trop intense et le soleil n'a pas encore fait son apparition. Les cols s'enchaînent facilement parmi de nombreux villages typiques des Ardennes et le paysage est essentiellement agricole, donc moins forestier, du moins pour le moment. Les nombreux plateaux et les vallées sinueuses taillées profondement dans le schiste ardennais composent un tableau intéressant. Nous avançons assez rapidement car le profil descend plus souvent qu'il ne monte et à présent, comme le soleil a fait une heureuse apparition, le mental est en hausse à travers les vastes forêts invitant à la flânerie. Après quelques heures, ce n'est pas un mirage mais un miracle : enfin un café ouvert et une boisson chaude appréciable. Barbara a une faim de loup et dévore d'appétissantes tartines beurrées. Le but du voyage touche à sa fin. Nous sommes dans les temps. Une dernière ascension assez sérieuse suivie d'une longue descente sur les faubourgs de Luxembourg et la boucle est bouclée. En ce lundi de Pentecôte, la ville est paisible. Nous récupérons nos housses à vélo laissées à l'hôtel pendant notre séjour et prenons place dans le train pour Paris, assez vide pour le moment, mais que se remplira en France, à Metz.
Voilà, cette escapade au Luxembourg s'est dans l'ensemble bien déroulée. La météo a été just catastrophique le 3ème jour. Quant au paysage, nous n'avons guère été déçus : des plateaux fleuris et verdoyants entourés d'une beauté sauvage. De petits villages qui mantiennent encore par leurs vieilles maisons et coins tranquilles leur cachet authentique. Quant à la récolte des cols, elle a été plutôt fructueuse pour un weekend : 32 pour moi et aussi pour Barbara qu'on a souvent tendance à oublier !
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